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Le rugby Ufolep, laboratoire de l’innovation pédagogique

Quel serait aujourd’hui le visage du rugby en France si le jeu à 10 et sur surface dure, expérimentés par l’Ufolep avec Pierre Villepreux, avaient été généralisés auprès des catégories jeunes ?

Avec son challenge Authier, qui réunissait encore en 2019 plus de 1 300 enfants dans les catégories de moins de 6 à moins de 12 ans, l’Ufolep des Pyrénées-Orientales fut le dernier dépositaire d’une pratique éducative longtemps partagée par de nombreux comités du sud et du centre de la France. Cela en vertu d’une répartition des rôles avec la FFR aujourd’hui révolue.

C’est à la fin des années 1940 que naît cette tradition. Le 16 mai 1947, à Narbonne, le lycée de Perpignan remporte la 1ère Coupe nationale cadets devant le CT Valence. Pour l’anecdote, les lycéens sont déclarés vainqueurs au bénéfice de leur plus jeune âge, à l’issue d’une partie achevée sur le score de 3 à 3. Cette coupe prendra le nom de Jules-Coulon, commissaire général de l’Ufolep de l’immédiat après-guerre.

Dans les années 1970, l’Ufolep expérimente ensuite un championnat minime. Le 31 mai 1976, à Saint-Estève (Pyrénées-Orientales), les « locaux » de la JS Elne dominent le FC Grenoble 6-0. Henri Dasté, président de la commission nationale rugby, voit dans cette initiative « le trait d’union entre les minimes à VIII et les cadets à XV ».

Puis, dans les années 1980 et 1990, les pédagogues de l’Ufolep développent une réflexion pour développer auprès des minimes un jeu à effectif réduit. Le but : favoriser l’apprentissage du jeu et la transition entre sa découverte à l’école de rugby et sa pratique à XV. Ce jeu à 10, disputé sur un espace réduit, innove sur plusieurs points : nouveau positionnement des cinq joueurs de devant, volonté d’amener un arbitrage à deux associant un jeune à un adulte… Il permet également une alternance plus fluide entre défense et attaque, jeu dynamique et phases statiques. « Il a toujours été dans nos intentions militantes et nos préoccupations pédagogiques de donner du sens à ces propositions d’activités innovantes. Celles-ci constituent un support d’acquisition et de maîtrise de capacités et de comportements – l’intelligence tactique et ses réinvestissements probables – qui permettent au jeune joueur de découvrir son pouvoir d’agir » explique alors Max Albinet, cheville ouvrière du projet avec Jean-Claude Talabot, impliqué à l'Assu, devenue depuis l'UNSS.

On n’est pas très loin de « l’intelligence situationnelle » théorisée par Pierre Villepreux. L’ancien arrière du Stade Toulousain, futur sélectionneur du XV de France victorieux des All Blacks lors de la Coupe du monde 1999, s’implique d’ailleurs dans le projet et coanime une journée d’étude réunissant une vingtaine d’éducateurs à Pompadour (Corrèze), avec mise en pratique sur le terrain par des équipes jeunes de la région. D’autres entraîneurs de renom, dont l’agrégé d’EPS Yves Appriou, champion de France avec Bègles en 1991, témoignent également de leur intérêt.

Parallèlement, afin d’élargir le cercle des jeunes adeptes du rugby, la commission nationale promeut une pratique sur terrain dur : cours d’école, gymnases, terrains goudronnés… Cela est rendu possible par l’« absence totale de placage et de projection au sol du porteur du ballon », qui doit libérer celui-ci après deux contacts simultanés des mains d'un adversaire sur son torse. Un « rugby à toucher » qui prépare au jeu de défense et qui se distingue en cela du flag-rugby développé dans les écoles et dans les pratiques loisirs ou multisports : attraper un foulard porté à la ceinture remplace les placages. Cette formule concourrait, par la pratique du jeu, à la formation sportive de l'enfant et des futurs joueurs et joueuses.

Quel visage le rugby offrirait-il aujourd’hui si ces innovations avaient fait florès ? Et si la Fédération française de rugby avait laissé à l’Ufolep sa place auprès des jeunes afin de développer l’innovation pédagogique ?

Au moins le rugby éducatif de l’Ufolep survit-il en partie dans le sport scolaire Usep, à travers une opération Scolarugby dont le succès ne se dément pas. Très loin du jeu violent et stéréotypé trop souvent offert par le Top 14 et les rencontres internationales.

Philippe BRENOT

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