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Le pluralisme culturel, le nouveau souffle des années 90 ?

A la fin des années 80, la Ligue de l'enseignement accuse l'échec du projet de Service public unifié laïque de l'éducation nationale (SPULEN). A la recherche d'un nouveau souffle, elle entame un travail de réappropriation de ses valeurs, au premier rang desquelles, la laïcité. Si l'objectif de se replacer au cœur d'un mouvement de recherche et de provoquer le débat fut un succès, sa traduction en actions de terrain se relit avec un sentiment d'inachevé...         

L'affaire du foulard de Creil, en 1989, remet le principe juridique de 1905 en jeu dans le débat public, cependant qu'elle révèle les mécanismes des exclusions et les antagonismes qui fracturent la société. Pour Jean-Louis Rollot, alors secrétaire général de la Ligue de l'enseignement, cette affaire et l'agitation médiatique et politique qu'elle a suscitée ont eu l'effet d'un «déclenchement ». La Ligue de l'enseignement soutient la position du Conseil d'Etat jugeant préférable l'étude au cas par cas des problèmes qui peuvent se poser plutôt que procéder par une surenchère législative. Surtout, elle juge que les réponses sont à trouver dans le texte de 1905, qu'elle s'est attachée à mettre en perspective depuis son congrès de 1986 consacré à la laïcité. Une réflexion prolongée par des publications, La laïcité en mémoire, La laïcité en miroir et La laïcité en débat, et entérinée lors du congrès de Toulouse, en 1989.

Accompagner l’avènement d’une société multiculturelle

La Ligue de l'enseignement comprend qu'elle doit intervenir avec plus de vigueur dans l'espace public, et qu'elle peut se prévaloir de son héritage pour mettre en garde contre « une vision monolithique de la laïcité », selon les mots de Jean-Louis Rollot. Et qu'il lui faut pour cela reprendre goût au militantisme, à l'exercice du dialogue et du débat, depuis des plateformes nationales comme au sein des fédérations. C'est ainsi que se créent les Cercles Condorcet, en 1986, et les Comités Liberté Égalité Fraternité (CLEF 89) l'année suivante, centres de ressources disséminés sur le territoire pour commémorer le bicentenaire de la Révolution. La Ligue de l'enseignement entend aussi échanger avec des interlocuteurs extérieurs à ses rangs, cependant qu'elle s'affranchit de ses partenaires de prédilection tels que le Comité National d'Action Laïque (CNAL) ou le monde de l'Éducation Nationale. En 1990, elle organise les « Assises de la laïcité plurielle » - une expression qui a fait polémique, y compris en son sein. Y reconnaissant une certaine « provocation », Jean-Louis Rollot revient sur le sens qu'avait ce choix dans le contexte d'alors : «Nous considérions non pas que la laïcité avait à voir exclusivement avec la question scolaire comme d'aucuns, ni qu'elle avait à s'enfermer dans un universalisme occidental ; mais au contraire que la laïcité caractérisait les institutions de la République, pour que vive une société plurielle et que puissent s'exprimer totalement la liberté de conscience de chacun et la pratique des différentes cultures dans une société multi-culturelle. Sans pour autant faire en sorte que cette reconnaissance du droit à la différence nous mène à une organisation de la société avec un véritable communautarisme ». Une maladresse sémantique reconnue depuis, qui ne doit pas éclipser les intentions qu'elle comprenait : d'abord celle d'un repositionnement politique, qui aux injonctions à l’assimilation, préfère l’exigence du dialogue et de la confrontation d’idées.

La Ligue de l'enseignement, qui a sollicité depuis la préparation du congrès de 1986 l’échange avec des représentants des différentes religions, comprend que dans la société française, certaines voix « se découvrent opportunément laïques dès lors qu’il est question d’Islam ». La première rencontre « Islam et laïcité : quel avenir en France ? » est organisée en mai 1990, et initie un élan qui se poursuit dans les années suivantes, jusqu’à la création en 1997 d’une commission intitulée « Laïcité et Islam ». Elle réunit régulièrement de nombreux discutants : historiens, juristes, militants associatifs ou penseurs, spécialistes de l'Islam et représentants musulmans, mais encore catholiques, juifs, protestants, ou ne se réclamant d'aucune confession. Bien que les participants louent le travail de recherche mené par la commission et l'originalité de la démarche, des controverses et des dissensions entraineront l'arrêt de cette expérience, et la Ligue des droits de l’Homme en reprendra le flambeau.

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Laetitia CARDI

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