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Edouard Petit, la vie associative ou « le cadre même de la jeune démocratie qui s’organise » (1858 - 1917)

Vice-président de 1899 à 1917

Edouard Petit est issu d’une famille de la petite ou moyenne bourgeoisie juive marseillaise et il épousa en 1882 Marie Alphandéry, elle-même issue d’une famille de la bourgeoisie juive du Comtat-Venaissin. Il était le cousin germain de l’écrivain André Suarès et l’oncle du futur amiral Muselier qui rejoint De Gaulle à Londres en 1940.

Après des études classiques au lycée de Marseille, il devint maitre-auxiliaire à Paris au collège Rollin, passa une licence de lettres à la faculté d’Aix en Provence, fut admissible à l’ENS, agrégé de l’enseignement spécial (1883), docteur es lettres (1887) avec une thèse sur Andrea Doria, un amiral condottierre du XVIè siècle. Il écrivit du reste de nombreuses autres biographies historiques, dont la plus célèbre et la plus approfondie (publiée après sa mort) est consacrée à Jean Macé[1].

Nommé professeur de lycée, E Petit exerça successivement à Laval, Nîmes, avant d’arriver à Paris au lycée Janson de Sailly. C’est à la fin des années 1880 qu’il commença à se faire connaître dans la presse politique républicaine d’inspiration radicale et dans la presse pédagogique en rédigeant des articles en faveur de la réforme de l’enseignement secondaire et de l’éducation populaire. Cette activité de plume le fit remarquer de Jean Macé qui serait venu le chercher en personne pour le faire nommer membre du conseil général de la Ligue de l’enseignement en 1892. Il ne devait plus quitter la direction de la Ligue de l’enseignement dont il fut vice-président à partir de 1899 jusqu’à sa mort en février 1917, agissant en étroite collaboration avec elle et influençant profondément sa réflexion et son action au moment où s’organisaient les œuvres laïques péri et postscolaires.

 

Ce militantisme ligueur ne fut probablement pas étranger à la mission qui lui fut confiée en 1895 par Raymond Poincaré, alors jeune ministre de l’Instruction publique : rédiger un rapport complet sur l’organisation des cours d’adultes et des conférences populaires. Cette mission, renouvelée par tous les ministres successifs, est à l’origine d’une série de 22 rapports annuels sur l’état d’avancement de l’éducation populaire (le dernier date de 1916), beaux exemples de collaboration entre l’initiative privée et les pouvoirs publics, et mines d’information sur le mouvement post-scolaire. Edouard Petit y publie toutes les statistiques connues sur les œuvres (cours d’adultes, conférences, sociétés d’anciens et d’anciennes élèves, patronages, mutualités, universités populaires, sociétés de gymnastiques …), encourage les acteurs, pointe les insuffisances, et suggère quantité d’améliorations de détail. Il n’oublie jamais de rendre hommage aux instituteurs dont il sait combien la collaboration est précieuse. Au fil des années on le voit s’engager nettement en faveur de l’obligation de l’enseignement postscolaire pour les adolescents, sans cesser de préconiser l’engagement volontaire dans les œuvres elles-mêmes. Il était devenu inspecteur général de l’Instruction publique pour pouvoir conduire sa mission, nommé hors cadre en 1898 par Léon Bourgeois, alors ministre de l’Instruction publique, puis en titre en 1900. C’est au cours d’une tournée d’inspection des œuvres post-scolaires qu’il décéda à Perpignan.

 

Conférencier distingué, homme affable, se dépensant sans compter pour répondre aux sollicitations diverses qui lui était adressées, Edouard Petit voyait dans la vie associative « le cadre même de la jeune démocratie qui s’organise ». Adepte d’un « solidarisme pratiqué », dans le sillage de Léon Bourgeois et des théoriciens laïques de l’idée de solidarité, il intervint dans de très nombreux congrès locaux, régionaux ou nationaux, et à l’étranger, produisant quantité de communications sur l’éducation populaire (dont beaucoup sont ensuite réunies dans des ouvrages). Son action à la Ligue de l’enseignement a été particulièrement intense depuis les congrès de Nantes (1894) et Bordeaux (1895) qui ont lancé les œuvres laïques jusqu’aux débats sur l’enseignement professionnel et le postscolaire obligatoire (1910-1911), en passant par la relance des patronages (1905) ; son épouse a été vice-présidente du comité des dames. Mais la prédilection d’Edouard Petit, parmi toutes les œuvres de l’époque, allait à la mutualité scolaire dont il voulait faire la matrice de l’ensemble, et dont il fut avec Jean Cyrille Cavé le propagateur avant de présider l’Union Nationale de ces mutualités à partir de 1909. Il fut également un des initiateurs de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) en 1902. Il appartint à nombre d’autres groupements, dont la Franc-maçonnerie à laquelle il ne fut initié qu’en 1905.

Edouard Petit avait été nommé officier de la Légion d’Honneur en 1910, dans le cadre de la promotion du monument parisien à Jules Ferry, édifié grâce à une souscription de la Ligue de l’enseignement. Il est inhumé au cimetière de Montfavet (Vaucluse). La Ligue de l’enseignement lui rendit hommage lors d’une journée dédiée à sa mémoire le 10 mai 1917. Une plaque, toujours visible, a été apposée sur la façade de son domicile parisien en 1919.

 

[1] Jean Macé, sa vie, son œuvre, Aristide Quillet, vers 1922

Pour aller plus loin..: 
  • Dossiers d’enseignant : Arch Nat, F17 24.758 ;  Arch Nat, AJ/16/1365.

Notices biographiques :

  • La Ligue de l’enseignement pendant la guerre, Tome 2, Janvier 1917-novembre 1918, p. 302-305.
  • I. Havelange, F. Huguet, B. Lebedeff-Choppin, Les Inspecteurs Généraux de l’Instruction publique. Dictionnaire biographique 1802-1914, Paris : ENS-Editions, 1986
  • J Bennet, Biographies de personnalités mutualistes, Ed de la Mutualité française, 1987
  • G Poujol M Romer, Dictionnaire biographique des militants XIXè-XXè siècle. De l’éducation populaire à l’action culturelle, L’Harmattan, 1996
  • J-P Martin, La Ligue de l’enseignement et la République des origines à 1914, Thèse de l’IEP de Paris, 1992
  • J-P Martin, La Ligue de l’enseignement. Une histoire politique (1866-2016), Presses Univ de Rennes, 2016
  • J-P Martin, « Edouard Petit, universitaire, publiciste et « apôtre » des œuvres post-scolaires : carrière publique et sens d’une action », Communication à la Journée d’Etude Continuer l’Ecole : Edouard Petit, la post école et la République, Avignon, 15 novembre 2017.                                                           
Jean-Paul MARTIN

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