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Pour que la dIfférence ne soit plus un handicap

Guillaume Bas, directeur d'un établissement médico-éducatif

Pour Guillaume Bas, directeur depuis 2008 d'un établissement médico-éducatif dans les Ardennes, la formation est décisive dans l'insertion sociale des jeunes souffrant de handicap. Mais beaucoup reste encore à faire, juge-t-il. Gérée par la Ligue de l'enseignement des Ardennes, sa structure accueille 140 enfants et adolescents.

En septembre 2000, restait vacant un poste d'enseignant auprès d'enfants handicapés que personne ne voulait occuper. Guillaume Bas, alors jeune professeur des écoles fraîchement diplômé, l'a pourtant accepté sans hésiter. « Audelà des connaissances et des compétences indispensables, faire cours à une classe d'enfants souffrant de handicap suppose un véritable engagement, dit-il. J'avais l'impression d'être moins “interchangeable” que devant un public ordinaire. Et tout s'est bien passé… »

Douze ans plus tard, Guillaume Bas, 37 ans, dirige aujourd'hui le SAAME (Services d'accueil et d'accompagnement médico-éducatifs) Thérèse et Charles Fortier, un établissement des Ardennes géré par la Ligue de l'enseignement qui œuvre à l'insertion scolaire et professionnelle de 140 enfants et adolescents âgés de 6 à 20 ans souffrant, pour la plupart, de troubles cognitifs (déficience intellectuelle) et de troubles psychologiques (troubles du comportement). Certains jeunes accueillis par l’établissement présentent même des troubles envahissants du développement (syndromes autistiques).

Une profession en forme de vocation. « Mais je ne me suis pas engagé dans cette voie tel un héros voulant changer le monde, prévient-il d'emblée. Je suis avant tout un professionnel, certes bien décidé à œuvrer pour un changement du regard de la société sur le handicap. » Assumant désormais des responsabilités d'envergure, Guillaume Bas serait plutôt un héros du quotidien, sportif équilibré (ceinture noire de judo), sûr de ses choix et de ses convictions. Et habité d'un supplément d'âme. Son engagement associatif est foisonnant, tour à tour entraîneur d'un club de judo dans son Alsace d'origine, directeur de centre de loisirs, cofondateur et trésorier du festival rock « le Cabaret vert » de Charleville-Mézières (Ardennes) lequel, à l'été 2010, a attiré quelque 48 000 spectateurs pour sa 6e édition.

« L'État semble fermer les robinets »

Lui que l'on devine passionné et fin pédagogue ne pouvait rester assis derrière un bureau, le regard amarré à un ordinateur. Il sera donc enseignant, après un diplôme de lettres modernes et une licence de sciences du langage obtenue en 1997. Après une expérience dans le privé, puis dans l'une des structures du SAAME, il en devient directeur en 2008, prenant la tête d'une équipe d'une centaine de professionnels. « J'avais envie de porter des projets », confie-t-il. Dans l'espoir de faire émerger au niveau national quelques pistes sur le handicap « qui ne seraient pas neutralisées par une logique unilatérale de gestion ».

Quand on l'interroge sur la loi de 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », Guillaume Bas salue un texte « noble en terme de projet de société… Mais sa mise en œuvre, tempère-t-il aussitôt, est contrariée, apparemment faute de moyens. L'État semble fermer les robinets ».

Restrictions budgétaires et révision générale des politiques publiques obligent, la formation et l'insertion des handicapés avancent au ralenti, estime-t-il. Une mission en partie assumée par des établissements comme celui qu'il dirige.

« Ce n'est pas toujours facile, reconnaît le directeur. Accompagner des enfants souffrant de handicap requiert une grande capacité de recul et d'analyse. Il faut être “blindé” et laisser de côté une quelconque approche affective de son métier. »

« Qu'attendez-vous de nous ? », demande-t-il simplement aux parents, souvent désemparés, qui poussent pour la première fois les portes de son établissement. « Je ne fais pas de vaines promesses aux familles, insiste-t-il. Nous offrons un engagement total des moyens dont nous disposons, mais ce serait malhonnête de “vendre” une promesse de résultats. Il faut savoir accepter les situations telles qu'elles sont, sans jamais renoncer à les faire évoluer. » Le propos du jeune directeur, lucide et mesuré, est déjà patiné par l'expérience des années.

Se construire par l'enseignement

Voilà quelque temps, suivant une formation préparant aux fonctions de direction d'établissement spécialisé, organisée depuis de longues années par l'Éducation nationale, Guillaume Bas découvre que le diplôme dispensé n'est plus conforme à la réglementation relative à ces responsabilités. « Un signe que l'État se heurte à des difficultés administratives et financières devant la technicité qu'exige le champ du handicap, regrette-t-il. Le risque est grand que l'Éducation nationale abandonne cette problématique aux associations, surtout pour les situations de handicap les plus lourdes. Si des structures comme celles gérées par la Ligue de l'enseignement n'existaient pas, certaines familles seraient absolument seules face aux difficultés liées au handicap. » Restent ces instants privilégiés qui calment certains dépits, balaient les doutes et continuent de justifier l'engagement du trentenaire.

Ainsi, récemment, l'un des jeunes majeurs du SAAME s'est porté volontaire pour assumer la présidence du Conseil de vie sociale de l'établissement. Du jamais vu au sein de la structure. « J'étais surpris de le voir ainsi s'engager de lui-même, raconte-t-il sobrement, maîtrisant une émotion que l'on sent poindre dans le souvenir. Avec l'ensemble de nos équipes et de notre personnel, nous sommes heureux de voir nos jeunes évoluer et avancer. »

Chacun, quelle que soit sa condition, doit pouvoir se construire par l'enseignement. Telle est l'ambition affichée par les pouvoirs publics depuis la loi sur le handicap de 2005. Dans les Ardennes, et en tant que personnel issu de l'Éducation nationale, Guillaume Bas œuvre avec conviction à son application.

En bref

La loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », s’organise autour de trois principes clés :

  • Garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie grâce à la compensation des conséquences de leur handicap et à un revenu d’existence favorisant une vie autonome
  • Permettre aux personnes handicapées de participer à la vie sociale grâce à l’organisation de la cité autour du principe d’accessibilité généralisée (École, emploi, transports, loisirs…)
  • Placer la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent en substituant une logique de service à une logique administrative.

 

Selon l’enquête « Handicaps, incapacités, dépendance » (HID) de l’Insee, plus d’un Français sur quatre souffre d’une incapacité, d’une limitation d’activité ou d’un handicap (26,4 % des Français, soit près de 12 millions d’individus). L’enquête montre également que la population souffrant d’un handicap est extrêmement diverse. Ce qui prouve, si besoin est, qu’un traitement global, est incompatible avec cette caractéristique.

 

Sylvain HENRY

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