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Éveilleuses de conscience

Caroline Meunier et Florence Cazaux, militantes de la Ligue de l'enseignement

Militantes de la Ligue de l’enseignement en région parisienne, Caroline Meunier et Florence Cazaux interviennent dans les collèges et les lycées pour accompagner les délégués de classe dans leurs interventions et les aider à devenir des médiateurs entre professeurs et élèves.

«Ne lui mettez pas une mauvaise note, il a des soucis à la maison ! » Parfois, les délégués de classe qu’accompagnent Caroline Meunier et Florence Cazaux se sentent investis d’une mission de justicier prêts à tout pour défendre leurs camarades, quitte à contredire leurs professeurs. « Les adolescents sont par nature un public en construction et en opposition, confient les deux jeunes femmes. Alors nous faisons comprendre aux délégués de classe qu’ils ne sont “que” des élèves et pas des assistantes sociales. Même s’ils jouent un rôle essentiel. » Toutes deux animent depuis plusieurs années des formations de « délégués élèves » en collège et lycée, la première pour la Ligue de l’enseignement du Val-de-Marne, la seconde pour la fédération des Yvelines.

En collaboration avec les chefs d’établissement, les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les professeurs principaux, elles préparent les délégués élus par leurs classes à jouer un rôle de médiateur entre les élèves d’un côté, les enseignants et l’administration de l’établissement de l’autre. Car c’est écrit dans les règlements officiels : « Les délégués de classe sont chargés de représenter les élèves en toutes circonstances. Ils sont les porte-parole des élèves auprès des professeurs et des personnels d’éducation, en particulier au conseil de classe où ils siègent. » Une fonction qui ne s’improvise pas. Pour que ces « délégués élèves » – deux par classe – deviennent des partenaires à part entière de la communauté éducative et non de simples représentants passifs, la Ligue de l’enseignement multiplie les formations.

« Pas un test de popularité »

Une tâche passionnante, sourit Caroline. Elle qui, étudiante, hésitait entre le métier d’enseignant et la profession d’interprète (anglais et espagnol) a finalement choisi la Ligue de l’enseignement « parce que nos missions dépassent la relation hiérarchique entre professeurs et élèves ». Et à 40 ans, elle s’y épanouit. « Nos interventions permettent l’éveil de l’adolescent à la citoyenneté », insiste-t-elle. « Nous agissons en dehors des contraintes inhérentes à l’institution scolaire, ajoute Florence, 34 ans, venue à la Ligue après avoir démarré comme animatrice puis directrice de séjours de vacances. Nous avons davantage de souplesse. »

Les deux formatrices apprennent d’abord au délégué de classe le sens de son engagement. « L’élection ne doit pas constituer un test de popularité », glisse Caroline. C’est ce qu’elle vient expliquer dans les classes pour préparer le vote, organisé avant la fin de la sixième semaine de l’année scolaire. Caroline et Florence guident ensuite les premiers pas des jeunes élus : apprendre à communiquer, à argumenter, à animer un groupe… Pour que la forme ne détruise pas le fond à l’heure de s’exprimer devant la douzaine d’adultes – dont le chef d’établissement – du conseil de classe trimestriel. Une épreuve pour les plus timides.

Les délégués doivent aussi « trouver leur juste place ». « C’est dur pour eux de ne pas être dans la revendication, observe Florence. Leur mission première consiste à transmettre les informations entre élèves et professeurs. Un rôle qu’ils jugent souvent insuffisant. » Le délégué est pourtant dans son rôle quand il rapporte au conseil de classe les difficultés familiales d’un élève. Un peu moins quand il demande aux professeurs d’être indulgents avec ce même élève. « Il faut parfois recadrer les délégués qui s’investissent trop », remarque Caroline. Et puis, enfin, les délégués, tenus à l’impartialité et à la confidentialité, doivent rapporter aux élèves les remarques des professeurs. Et ne transmettre qu’aux seuls intéressés les observations des enseignants formulées sur l’un ou l’autre, même s’il n’est pas toujours facile de tenir sa langue auprès de ses amis.

Les formations de la Ligue de l’enseignement s’adressent aussi aux enseignants, pas tous conscients de l’importance des délégués. Ainsi, certains professeurs considèrent encore les jeunes élus comme un élément de décor, quand d’autres se plaisent à leur ajouter une pression supplémentaire, sur le mode : « Les délégués doivent être de bons élèves et adopter un comportement irréprochable. » « La question n’est pas de savoir si les délégués ont les meilleures notes en classe, s’agacent les deux militantes de la Ligue, mais d’appréhender leur fonction comme un véritable outil démocratique. » Elles disent ne pas retourner dans les établissements où les délégués sont considérés comme « de jolis pots de fleurs » même si, dans la plupart des collèges et lycées où elles interviennent, les enseignants « jouent le jeu ».

Dépasser les rapports hiérarchiques profs/ élèves

Développer le « mieux vivre ensemble », dépasser les rapports d’autorité professeurs-élèves pour travailler ensemble sur un projet pédagogique, « installer la démocratie à l’école » : autant d’enjeux qui guident les interventions de Caroline et Florence. Et qui justifient leur engagement à la Ligue. « Nous sommes complémentaires de l’institution, affirment-elles. Ce qui favorise une action globale auprès des adolescents. Pour les professeurs, les jeunes sont avant tout des élèves. Pour nous, ce sont d’abord des adolescents qui ont aussi une vie en dehors des cours. Il faut en tenir compte. »

Prendre l’élève dans toute sa dimension : une démarche qui contribue à l’éveil des consciences, des personnalités et même des ambitions. Comme ce délégué de classe qui a très sérieusement confié à l’une des deux intervenantes de la Ligue son souhait de devenir président de la République… Celui-là s’investissait par ailleurs dans le conseil municipal des jeunes de sa commune et collaborait au sein d’autres structures où peuvent siéger les délégués de classe, telles que le conseil d’administration de l’établissement, le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) ou le Conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL), lieu d’échange dans lequel se débattent toutes les questions liées au travail scolaire et aux conditions de vie des élèves.

« Certains jeunes sont délégués de leur classe de la sixième jusqu’à la terminale », s’amuse Caroline. Ils prennent de l’envergure, s’épanouissent et grandissent, portés par les conseils des formatrices de la Ligue. Et sont force de propositions, portant un regard souvent affûté sur le fonctionnement de leurs collèges et lycées. Un potentiel que Caroline et Florence aimeraient davantage exploiter via des projets éducatifs concrets, à l’image de ce récent théâtre-forum que la première a organisé dans un lycée sur le thème de la violence scolaire. Mais encore faut-il l’aval des enseignants et la disponibilité des délégués de classe pour que leur engagement n’empiète pas sur leur travail scolaire, particulièrement à l’approche du baccalauréat. Une question d’équilibre.

« Comme dans la vie en général, les élèves ont des droits que défendent leurs délégués, estime Florence. Ils portent la voix des élèves. » Une mission essentielle et reconnue, même s’il reste encore « un peu de chemin à faire » ici ou là pour que les porte-parole, élus et légitimes, aient vraiment la parole.

Sylvain HENRY

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