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« Tout mon parcours s’est construit sur des valEurs qu’a toujours défendues la Ligue : la promotion de l’école publique, l’accès à la culture pour tous, la citoyenneté, la laïcité.»

Michèle Bauby-Malzac, présidente de Lire et faire lire

Un pur produit de l’éducation populaire, c’est ainsi qu’elle même se définit. Michèle Bauby-Malzac n’a eu de cesse, tout au long de sa vie, de multiplier les expériences professionnelles et bénévoles : le droit des femmes, la lecture intergénérationnelle avec Lire et faire lire, ou plus récemment la promotion de l’histoire de l’immigration française avec l’association Génériques...

Comme son ami l’écrivain Alexandre Jardin, Michèle Bauby-Malzac rêve de transformer la France en une nation de lecteurs. « Parce que la lecture est facteur d’intégration », glisse la présidente de l’association Lire et faire lire qu’a fondée le romancier voilà quinze ans avec la Ligue de l’enseignement et l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Quand Alexandre Jardin observe « qu’un enfant qui ne dispose que de 300 mots de vocabulaire ne pourra s’exprimer que par la violence », Michèle Bauby-Malzac acquiesce, elle qui, à dix ans à peine, avait déjà lu les classiques de la littérature empruntés à la bibliothèque. Les livres et les mots sont le fil directeur d’un parcours professionnel et personnel vallonné. « D’une certaine manière, la lecture m’a sauvée lorsque j’étais enfant », confie, pudiquement, cette « sexa » punchy et pêchue, « toujours un peu rebelle » qui se définit comme un « produit » de l’ascenseur social. Alors, la présidente de Lire et faire lire – administratrice depuis 2003, elle a succédé à Gérard David au printemps 2012 – fourmille de projets pour développer plus encore cette association vecteur de lien social intergénérationnel, riche de quelque 16 000 bénévoles qui interviennent dans près de 9 000 structures éducatives chaque année, reconnue par les pouvoirs publics (ministère de l’Éducation nationale, ministère de la Culture…) et dont le comité de soutien compte plus de 150 écrivains et illustrateurs. Femme de terrain, Michèle BaubyMalzac œuvre à faire reconnaître l’engagement et le rôle de médiateur social de tous ces retraités bénévoles qui donnent un peu de leur temps aux enfants pour leur faire partager leur goût de la lecture et leur faire découvrir la littérature jeunesse. Elle souhaite leur permettre de se rencontrer et d’échanger, de travailler en synergie, de créer du lien et du liant. Bref, de s’épanouir.

Militante féministe…

Enfant, Michèle est passionnée mais turbulente. « Mes parents me privaient parfois de lecture, s’amuset-elle. Je me sentais presque gênée de bien réussir à l’école alors que ma grand-mère était analphabète et que personne dans la famille n’avait fait d’études. » Après le baccalauréat, c’est l’université de Tours où elle obtient une licence de lettres modernes, puis une licence de sociologie et devient professeur de lettres, d’abord dans les collèges et lycées de l’académie d’OrléansTours puis dans ceux de l’académie de Créteil, en région parisienne. Très tôt, le parcours de Michèle Bauby-Malzac est marqué par l’engagement. Elle forge sa conscience citoyenne en militant pour le mouvement féministe et pour la liberté d’avortement – elle cofonde en 1971 l’Association tourangelle pour la liberté de l’avortement et de la contraception. Elle anime aussi, jusqu’en 1981, un comité des maîtres auxiliaires de l’Éducation nationale et se bat pour obtenir leur titularisation.…

et passeuse de livres

Ses investissements prennent également une forme culturelle. Elle veut influer sur le cours des choses. Elle espère ainsi, avec Lire et faire lire, rattraper par la lecture des destins mal embarqués. « Avec les bénévoles de l’association, nous sommes des passeurs et des semeurs, estime Michèle Bauby-Malzac. Nous voulons déclencher quelque chose chez ces jeunes, les aider à se construire. » L’association ambitionne de s’installer partout où les enfants se trouvent, de transformer les livres en objets vivants qui circulent et dont les messages se diffusent. Dans le dernier bulletin de l’association, adressé à ses bénévoles, l’auteure Marie-Aude Murail s’enthousiasme : « Un enfant qui écoute un livre ne ressemble à rien d’autre. Il y a cette ouverture des yeux…» Et d’insister: «Vous êtes indispensables ! L’association va continuer à grossir. » La présidente s’y attache en essayant de renforcer sa présence dans les quartiers populaires et les territoires ruraux, de multiplier ses interventions dans les centres de loisirs et dans les écoles et d’innover en direction des collèges, tout en structurant les équipes via des « bénévoles relais » dans chaque département. Elle aimerait davantage les former, citant Érik Satie : « Peu de personnes savent lire à haute voix : c’est un art, du reste. »

Ancienne journaliste

Des projets multiples que Michèle Bauby-Malzac pourra nourrir de son expérience professionnelle foisonnante. Professeure pendant 20 ans, elle bifurque vers le journalisme pour la revue Hommes et Migrations – qui décrypte les dynamiques migratoires –, devient médiatrice scientifique à la Cité des sciences et de l’industrie, rebondit comme coordinatrice de réseau d’éducation prioritaire (REP) à Bobigny avant d’intégrer la Ligue de l’enseignement, d’abord comme déléguée culturelle à la fédération de Paris, puis comme chargée de mission nationale au service culturel. « J’ai eu la chance, dit-elle, d’explorer d’autres voies à côté de ma carrière d’enseignante. » C’est à la Ligue de l’enseignement de Paris qu’elle découvre Lire et faire lire. « Une véritable révolution pour moi », racontet-elle. Elle s’implique fortement dans la mise en œuvre du programme : recherche de bénévoles et de structures éducatives, création du copilotage entre la Ligue et l’Unaf, mise en place de formations à la littérature de jeunesse et à la lecture à haute voix pour les bénévoles. Elle a aussi à cœur de proposer des activités culturelles pour les élèves de lycées professionnels : ateliers d’écriture, projections de film suivies de rencontres avec des professionnels du cinéma. Elle anime également des « ciné-débats citoyens » qui proposent des échanges autour de films exigeants avec des acteurs et des réalisateurs. Côté vie associative, l’ancienne prof a notamment cofondé Génériques, une association qui œuvre à la mise en lumière de l’histoire et de la mémoire de l’immigration française. « Je suis arrivée assez tardivement à la Ligue de l’enseignement, analyse-t-elle, mais tout mon parcours professionnel, associatif ou syndical, s’est construit sur des valeurs qu’a toujours défendues la Ligue : la défense et la promotion de l’école publique, l’accès à la culture pour tous, la citoyenneté ou la laïcité. » L’éduc’ pop’ doit être « fer de lance » en gardant « un temps d’avance ».

Chevalier des Palmes académiques

« Au fond, remarque-t-elle, j’ai toujours mêlé éducation classique et éducation populaire. » Au collège, ses élèves de classes de transition en grande difficulté s’exprimaient sur la scène du club de théâtre qu’elle avait monté. Une activité parmi beaucoup d’autres lancée au gré de ses années d’enseignement. « Ma direction me laissait mener des actions innovantes pour l’époque, raconte-t-elle. Quand ça ne marche pas bien en classe, il faut essayer d’autres voies. » Un cheminement et un engagement qui lui valent aujourd’hui d’être nommée chevalier dans l’ordre des Palmes académiques. Parfois Michèle Bauby-Malzac croise quelques-uns de ses anciens élèves. Certains lui glissent que la vie n’est pas facile et que trouver un emploi relève de l’exploit. Elle leur répond inflexiblement qu’il faut se prendre en main : « Regardez d’où je viens : ce n’était pas gagné d’avance. J’ai su me remettre en cause et lorsque ça n’allait pas, j’ai changé de voie professionnelle. Je me suis quelquefois trompée, j’ai souvent douté. Il faut parfois faire un demi-tour sur soim-ême pour changer sa vision des choses. » Jules Renard, sourit-elle, disait que chacune de nos lectures laisse une graine qui germe. Alors à tous les jeunes, Michèle Bauby-Malzac conseille surtout de se ressourcer en lisant.

Pour aller plus loin..: 
Sylvain HENRY

Les autrEs portraits autour de la CUlture

  • Sabine Baudont porte la culture en détention

    Responsable culturelle de la Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Vilaine

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  • "Il faut se prendre en main pour faire en sorte que les choses bougent"

    Pauline Jacob, Présidente de l'association "Etrange lucarne"

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    1815 - 1894

    Fondateur de la Ligue de l'enseignement

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    Directrice de CinéLigue Nord-Pas-de-Calais

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    Jean-Louis Guilhaumon, président du festival « Jazz in Marciac », maire et ancien principal de collège dans le Gers

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