« J’ai constamment envie d’apprendre, de cOmprendre comment fonctionnent les choses, et la Ligue de l’enseignement s’inscrit parfaitement dans cette logique de transmission. »
Nicolas Trotouin, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement de Lozère et élu en charge des affaires culturelles à la mairie de Mende

Nicolas Trotouin est secrétaire général de la Ligue de l’enseignement de Lozère et élu en charge des affaires culturelles à la mairie de Mende. Voilà 20 ans que ce fou de théâtre, de danse et de cinéma s’emploie à démocratiser la culture dans ce département rural.
Il apprécie Coldplay, Grand Corps Malade, Bruce Springsteen, les vieux albums de Sade, U2, le rap ou encore le jazz. Mais aussi des cinéastes tels que David Lynch, David Cronenberg ou les frères Coen. « J’ai toujours peur de rater quelque chose, je m’intéresse à tous les univers. Pour moi, la culture ressemble à une drogue », avoue Nicolas Trotouin, 45 ans. « J’achète beaucoup de bouquins, je farfouille sur Myspace pour dénicher de nouveaux artistes, je vais régulièrement au cinéma. Quand je me rends à Paris, je fais une razzia de musées. J’ai vraiment un côté boulimique. » Sa vie, le secrétaire général de la Ligue de l’enseignement de Lozère, n’aurait pu la concevoir sans ce rapport étroit à la culture. Mais elle aurait pu être totalement différente s’il avait embrassé une carrière de comédien ou de danseur contemporain. Au cours de ses études – une licence de biochimie obtenue à Montpellier –, le jeune Nicolas fait partie du Théâtre du Goéland, une troupe amateur itinérante qui monte des pièces l’été comme l’Aigle à deux têtes (Cocteau) ou les Trois Sœurs (Tchékhov). Pour gagner quelques sous – 1500 francs par mois à l’époque –, il accepte un poste de TUC (Travail d’utilité collective) dans le quartier de La Paillade. « J’enseignais le théâtre dans un lycée défavorisé de Montpellier et je donnais des cours de diction aux profs. Il fallait d’abord battre tous les élèves au judo pour être écouté. Mais ensuite, je crois que ça a apporté beaucoup de joie de vivre dans l’établissement », se souvient Nicolas dans un éclat de rire. Parallèlement, il suit des stages de théâtre et danse pour la chorégraphe Clo Lestrade.
Instit pendant un an
Et sur les conseils de son grand-père, qui considérait l’instituteur comme un élément-clé de la vie locale, Nicolas passe le concours de l’Éducation nationale à Nîmes. Sans être totalement convaincu de sa vocation. Il finit major de sa promotion et intègre l’École normale en 1988. Pas de carrière artistique donc mais un premier poste « d’instit » en Lozère, dans une classe rurale avec 11 enfants de la maternelle au primaire. Tel Georges Lopez, le maître d’école du documentaire Être et avoir signé Nicolas Philibert, l’ami Trotouin se jette à corps perdu dans l’aventure : « Nous nous trouvions sur un haut plateau à Saint-Flour-de-Mercoire et j’avais construit un igloo dans lequel nous faisions parfois classe en hiver. J’avais également récupéré des skis de fond pour les enfants et nous partions faire des promenades de 4 ou 5 km. Il y avait une joie de vivre incroyable, nous montions des pièces de théâtre, on tournait des films », se souvient l’instituteur, ceinture noire de judo dès l’âge de 15 ans. Mais cette parenthèse enchantée se referme au bout d’un an puisque Nicolas Trotouin accepte un poste à la Ligue de l’enseignement. Presque sans réfléchir, comme si l’engagement militant coulait de source. Le contact avec les enfants lui manque et, pour compenser, il encadre encore aujourd’hui des colonies de vacances ou des séjours au ski. Pour continuer à transmettre, notre homme enseigne depuis quatre ans à l’antenne universitaire de Perpignan, basée à Mende. Ses cours de médiation culturelle et événementielle à destination des Masters 1 et 2 favorisent ce contact « et obligent à se poser des questions au quotidien ».
Sitôt arrivé à la Ligue de l’enseignement de Lozère en 1991, il s’appuie sur le travail des associations : « Nous avons tout de suite travaillé en transversalité car il s’agit d’une petite fédération. Chacun s’occupait aussi bien du service vacances l’été que des opérations sportives menées avec l’Ufolep ou du réseau de cinéma mobile », se souvient ce passionné de montagne. En 1993, il crée, à Mende, le festival Jeune Public qui rassemble toutes les écoles de Lozère. Un réel pari dans un département rural, à l’habitat espacé. En vingt ans, cette manifestation baptisée « La P’tite roulotte » est devenue une institution. Elle a permis à des générations de Lozériens de découvrir des marionnettistes, des acteurs, des musiciens, de participer à des ateliers. « Pour aller à la rencontre des gens, depuis 1998, une édition du festival sur deux est itinérante. Pendant 8 jours, 12 compagnies se rendent dans plusieurs villes, dans des lieux qui ne sont pas prévus pour accueillir des spectacles. C’est énormément de travail mais ça vaut le coup », soupire son directeur. Pour faire son marché, Nicolas est « obligé » d’assouvir sa boulimie de culture en allant au festival de théâtre de rue d’Aurillac, au Circa à Auch (cirque), au festival d’Avignon ou à Spectacles en recommandé, l’un des temps forts culturels de la Ligue de l’enseignement, qu’il organisera chez lui en janvier 2013. « Nous ne gérons que la logistique. Nous avons commencé à réserver des salles, des infrastructures, des chambres d’hôtel. Nous allons tenter de créer des univers qui correspondent au territoire. Et bien sûr, de montrer que nous savons accueillir les gens avec chaleur et convivialité », souligne celui qui a construit lui-même sa maison en bois écologique sur les hauteurs de Mende.
Entre la Ligue et la mairie
Comme si ses activités ne lui suffisaient pas, Nicolas Trotouin est aussi chargé des affaires culturelles à la mairie de Mende. « J’ai mis du temps à m’engager avec eux car je voulais le faire à fond, et déléguer son pouvoir n’est pas toujours satisfaisant », indique celui qui s’oppose fermement au cumul des mandats, considérant la politique comme une activité passagère. « Depuis 2008, nous avons réussi à proposer une programmation riche sur le plan culturel, avec par exemple le festival “48e de rue” qui se déroule tous les ans début juillet, et propose 88 représentations en 4 jours. » Forcément, les journées de ce père de 3 enfants (19, 17 et 11 ans), marié à une assistante sociale rencontrée au lycée, sont bien fournies : de 7 heures à minuit, Nicolas se partage entre « la fédé » qui compte 25 salariés, le terrain, et la mairie. Entre coups de fil, réunions et projets à suivre ou à mettre en place. « Je cours tout le temps c’est vrai, mais je consacre tout mon temps libre à ma famille », souligne cet adepte de ski et de VTT. « Et puis j’exerce un métier que j’aime, riche, palpitant, d’une grande ouverture. J’ai le sentiment d’être utile en aidant les gens à s’enrichir culturellement à chaque période de leur vie. J’ai constamment envie d’apprendre, de comprendre comment fonctionnent les choses, et la Ligue s’inscrit parfaitement dans cette logique de transmission. » Avant d’ajouter « Et puis je crois que les gens m’estiment. D’ailleurs, quand ils ont besoin d’aide, ils n’hésitent pas à m’appeler. Car la Ligue de l’enseignement, c’est aussi un énorme réseau de compétences. » Notre secrétaire général n’a donc pas fini de « dévorer de la culture ». Pour mieux la faire partager.